Récit de Monsieur Louis PINET (ptilouis)
Ancien du Vercors et du 11ème Cuirassiers
Le Parrainage de notre régiment par la Ville de Romans le 14 Mai 2005 m’a été droit au cœur, j’ai décidé en remerciement de vous écrire ma participation bien humble d’ailleurs à ces événements qui ont pris une grande place dans ma vie.
Traqué depuis Mars 44 avec un arrêt de mort sur le dos, polices, gendarmerie, milice, gestapo – disparaître pour ne pas être abattu comme une bête, depuis que j’étais catalogué de terroriste par l’occupant et ses alliés français, le 8 Juillet 1944, je fus informé qu’un laisser passer pour les maquis du Vercors m’était accordé, rendez-vous 13 heures café des Halles aux Cordeliers à Lyon. Au rendez-vous ! Charbonnier, lui qui m’avait déjà sauvé la mise aux ateliers de Delle quelques mois plus tôt, me dit :
“j’ai ton laisser-passer, môme, écoute bien ton itinéraire. Demain matin 8 heures il y a un train qui part de Perrache, tu le prends comme d’habitude Rive gauche du Rhône avant qu’il ne prenne de la vitesse, tu descends à Valence tu verras il roule doucement en entrant en gare, les derniers wagons sont encore loin des contrôles, tu reviens devant la gare, il y a des cars pour Romans pour les ouvriers, mais tu descends à Bourg de Péage, Romans est très surveillé il vaut mieux ne pas s’y risquer, tu prends la route de St-Nazaire en Royans, ouvre les yeux, St-Nazaire est très souvent surveillé, à St Thomas, tu prends un chemin de terre sur ta gauche c’est un raccourci qui arrive tout près de Ste Eulalie où tu as rendez-vous au café restaurant, en cas de contrôle tu es le cousin du restaurateur, ton laisser passer est signé Chabert. Bonne chance !”
Il se lève et met discrètement un bout de papier plié dans une de mes mains et s’en va.
Le lendemain 8 h je prends le train assez facilement dans l’avant-dernier wagon, Valence le train rentre en gare, là aussi tout se passe bien, je prends le car des ouvriers pour Romans sans difficulté, j’étais en bleu de travail une musette sur l’épaule contenant un casse-croûte, arrivé à Bourg-de-Péage terminus le car ne vas pas plus loin tout le monde est canalisé entre des barrières en bois (genre canard volant). Les allemands sont là, ils contrôlent au hasard et surveillent que tout le monde soit bien canalisé, je suis donc obligé de suivre et me retrouve à Romans.
Je profite d’une boulangerie, il me reste quelques tickets de pain, pour sortir des barrières, en sortant de la boulangerie je me risque dans la rue à l’angle de la boulangerie, la voie est libre, impossible de repasser les ponts tout était gardé, je suivais donc la direction Est, cherchant une solution, le barrage de Pizançon était lui aussi gardé, je remontais, suivant la route de Grenoble et vis loin à l’entrée de St Paul-lès-Romans un barrage, il fallait l’éviter, je reviens donc sur les bords de l’Isère en remontant le sens du courant, à un moment la berge formait une petite falaise de quelques mètres de haut, et une descente avait été aménagée pour accéder à l’eau, là une barque. Elle était coulée, il y avait à l’intérieur une boite de biscuit cassée en fer blanc et une perche, je n’en avais pas besoin de tant, entre deux pierres je coupai une chaîne, vidai vite de l’eau avec la boîte à biscuit et dès que j’ai pu monter dans la barque je la poussai plus loin sous la falaise à l’abri des regards, là je finissais de la vider et entrepris la traversée de l’Isère, qui dans cette retenue est assez large mais a peu de courant. J’avais bien dû faire les 3/4 de traversée lorsque j’entendis des cris, je vis des allemands qui arrivaient sur la berge d’où j’étais parti. En voyant épauler les fusils je sautai à l’eau et me protégeai de la relevaison avant de la barque pour finir ma traversée en tirant celle-ci.
Arrivé sur l’autre rive il y avait des roseaux je ne traînai pas, je traversai la route de St Nazaire et continuai plein Sud pour m’écarter le plus possible de cette route, car l’alerte avait sûrement été donnée, j’arrivai finalement à St Nazaire et là je vis une auto-mitrailleuse sous le viaduc, je dus faire demi tour, contourner la colline… beaucoup trop long. Alors j’entrepris de l’escalader, quelle aventure, cent fois j’ai cru que j’allais me tuer tant ses enrochements sont accidentés, finalement j’arrivai à St Thomas. Alors que je recherchais mon raccourci, je vis arriver un motard, tenue kaki, béret basque, revolver à la ceinture, juste le temps de me cacher, il s’arrêta, échangea quelques mots avec des habitants qui étaient sur leur porte, puis repartit, je trouvai mon raccourci le long de celui-ci :un cerisier, le bienvenu ! Pour atteindre les cerises, il fallait grimper dans l’arbre. alors que j’étais occupé à manger mes cerises? la moto déboucha et s’arrêta devant moi : “qu’est-ce que tu fais là ?” Me demanda t-il.
Comme je ne savais pas à qui j’avais à faire et que je ne répondais pas, il ajouta : “je sais, tu es en vacances, tu es le cousin du restaurateur de St Eulalie, allez viens je t’emmène !”, arrivés sur la route de St Eulalie, nous croisons une traction avant noire, drapeau bleu, blanc, rouge sur l’avant et un gros FFI sur les portières, ils se saluent, puis il me dit : ” tu vas les attendre au café restaurant, c’est eux qui vont te monter là-haut !” en arrivant à St Eulalie en Royans surprise ! les panneaux signalant le nom de la localité sont encadrés d’un superbe bleu, blanc, rouge et à l’intérieur on lisait “ici commence le pays de la liberté”. Après un premier contrôle au refuge d’Echevis l’équipage de la traction monte directement à St Agnan à la maison forestière du Rang des Pourets où est le P.C. C’était un joli chalet en bois. J’y suis reçu par le Colonel Huet (Hervieu), qui me fait enfermer au grenier, gardé par un Sénégalais (pour vérification d’identité) les tentatives d’infiltration étaient redoutées, l’impatience me rongeait, la nuit arrivait, un sandwich que mon brave garde m’apportait, et c’est lui qui s’est retrouvé enfermé ! Je descendais prestement au bureau où j’avais été reçu. peu surpris, le Colonel me dit : “tu me plais ! je vais te garder avec moi tu seras (mon bleu) !” et il m’envoya au groupe de soutien du Q.G., à la ferme des Berres, toujours sur St Agnan. Ce groupe de 21 personnes, composé de 4 Lieutenants, un sous-Lieutenant, un Adjudant et le reste des volontaires, arrivés après le débarquement de Normandie.
Le 14 Juillet, un impressionnant parachutage a lieu sur le plateau de Vassieux, plus de 80 forteresses volantes lâchent 1600 parachutes. La première vague, les parachutes sont bleu, blanc, rouge, la dernière forteresse un peu en retard sur la formation a 6 parachutes avec leur container restés accrochés à la queue de l’avion puis ils lâchent et atterrissent plus loin, entre les hameaux du Château et de la Mûre. Le Lieutenant Jury qui commande notre groupe, donne l’ordre au sous-lieutenant Morel-Journel (Berty) : “Prends(ptilouis), Pinet Louis avec toi et allez garder ces containers ! que personne n’y touche, certains peuvent avoir de l’argent.”
Mais à peine la dernière forteresse volante disparue, les avions Allemands étaient là, lorsque nous arrivâmes près des containers nous fûmes accueillis par trois Messerschmitt volant en rase-mottes. Nous nous sommes jetés à terre et avons été surpris d’être encore vivants et sans blessures. Après leur passage, nous avions été protégés par un léger relief du terrain, déjà les avions avaient tournés et ils nous revenaient dessus, nous nous protégions comme nous pouvions mais en plein découvert c’était intenable, nous prîmes la décision d’ouvrir les containers espérant y trouver des armes plus efficaces, contre les avions que nos malheureuses Sten.
Au 4ème container : 4 fusils mitrailleurs Bren 44. Les derniers modèles anglais ! Je déchirai mon short pour parvenir à dégraisser l’arme et quelques chargeurs. A peine le temps de faire un premier essai et revoilà les avions au ras du sol. Nous avons rapidement en batterie notre FM. Je vidai mon premier chargeur sur les attaquants, qui revenaient déjà par derrière, avisant des enrochements situés à une centaine de mètres, nous y priment position.
Les attaques suivantes, les avions passaient nettement plus haut et finirent par nous abandonner, ils continuaient à mitrailler le terrain de Vassieux, interdisant tout ramassage, puis survinrent des bombardiers, des Henkel 111, ils lâchèrent leurs bombes sur le terrain puis sur Vassieux, les quelques camions venus récupérer les containers brûlaient.
Le 15 Juillet nous partons de St Agnan sur un camion plateau Berliet gaz au bois, pour aller à Vassieux de St Agnan avec notre camion. Il fallait monter à l’entrée du tunnel du Col de Rousset pour redescendre et prendre le chemin du Col de St Alexis, l’angle étroit de la jonction des routes ne permettait pas la manœuvre directe à notre camion . Pendant que nous redescendions du col du Rousset : alerte ! Un chasseur allemand avait repéré le camion et piquait sur nous. Alerté, le chauffeur lance son moteur à fond et débraye pour atteindre le maximum de vitesse, sur le plateau du camion plus un mot. Nous le voyons fondre sur nous sans pouvoir nous protéger. Soudain quatre mitrailleuses, deux sur chaque aile, se mettent à cracher, derrière nous la route semble voler en éclats, je sens un flux sanguin me monter à la gorge, un choc nous renverse sur le plateau du camion. Tandis que l’avion amorce un virage sur sa droite la rafale frôle le camion au moment où celui-ci s’engage dans le chemin du Col de St Alexis.
La voie du col était un chemin empierré assez étroit et le côté du camion avait heurté la roche sur la gauche au moment du choc. Le camion stoppe sous le premier arbre. Nous avions eu chaud ! ! Au bout d’un moment : plus d’avion. Peu de containers purent être ramassés il fallut les traîner hors de portée des avions qui ne nous lâchaient pas. Notre camion fut détruit, le ramassage fut donc organisé de nuit et les containers remisés en attendant leur inventaire et répartition dans le tunnel du Col du Rousset.
Le lendemain j’avais les épaules, les bras , le dos remplis de boutons blancs qui suppuraient. Envoyé à l’hôpital de St Martin, il s’avéra qu’ils avaient étés provoqués par de petits éclats de roche lors du mitraillage du 14 Juillet en défendant les containers étalés entre le (Château) et La Mûre. Le 17 Juillet, ordre nous est donné d’inspecter les défenses des pas de l’est, nous y mettons deux jours, les pas étaient défendus par des groupes armés de FM et de grenades, et impatients d’en découdre. Le 20 au soir, nous arrivait envoyé par le P.C, un curé qui disait-il, avait fait les maquis de Bretagne, du Jura, de l’Ain et qui arrivait chez nous. “Il a l’air bien, mais gardez tout de même un œil dessus on ne sait jamais !” ajoutait le P.C.
Une petite fête fut organisée dans notre hangar, unique pièce d’environ 12 mètres par huit. En dessous, la bergerie, restauration et armement dans l’allée centrale, dortoirs sur les côtés dans la paille, nous avions aménagé avec les parachutes bleu blanc rouge du 14 Juillet, une cocarde qui tenait tout l’espace au-dessus de nos têtes avec l’éclairage au-dessus, c’était de toute beauté et excellent pour le moral. vers une heure du matin, nous avons eu la visite d’un groupe venant de la Britière (les Tcherkesses) ils se rendaient au hameau de la Mûre où les attendait un nouveau cantonnement. Au petit matin, nous avons eu droit à la messe puis comme notre curé partait pour l’hôpital de St Martin où nous avions des blessés Français et Allemands, le groupe se mit à entonner la chanson des scouts “ce n’est qu’un au revoir”. Je sortais dehors, j’entendais des avions ! Le ciel était bas, et soudain je les vis (crever le plafond) au-dessus du Col du Rousset et venant du Diois : 7 trains de planeurs, 5 de 5 planeurs, 2 de 7 planeurs, remorqués chacun par un gros avion très large double empennage et 5 moteurs (trois au centre et deux de côté des carlingues) volant en formation, je retournai rentrer en hurlant pour me faire entendre “vos gueules ! les boches sont là !”.
Vu mon comportement, le lieutenant Jury sortit rapidement jumelles à la main, pas de croix noire visible, il faut donner l’alerte tout de suite, les trains des planeurs tournent sur leur gauche, à hauteur du Col de St Alexis, prenant la direction de Vassieux et décrochant les planeurs. On les vit prendre individuellement ou à plusieurs la direction de leur objectif respectif, puis plonger à la verticale, un parachute ralentisseur à la queue. Le Lieutenant Jury rageait : notre téléphone était coupé ! il essaya le talkie, du papier à chocolat de partout. Une seule ressource, le sportif (ptilouis) fonce au Q.G. , donner l’alerte, près de 2 km de course à pied et autant pour revenir apporter l’ordre d’interdire à l’allemand le passage du pas du Pré, qui est un raccourci entre Vassieux et St Agnan.
Nous montions aussi vite que possible avec nos deux F.M et deux sacs de grenades, arrivés en haut de la montagne qui sépare les deux vallées, nous découvrons une grande clairière un sentier la traverse, puis s’enfonce dans un taillis assez épais, une nouvelle clairière, au bout sur la gauche une cabane en tôle à l’intérieur un espèce de lit fait de planches et de paille, vingt mètres plus loin commence une gorge étroite entre les roches, le Pas du Pré qui descend sur le plateau de Vassieux. Les deux F.M sont mis en batterie en bas à environ 100 mètres l’un de l’autre, le Lieutenant Jury m’emmène plus en avant comme sentinelle. Il y avait à ma gauche, un chemin de desserte une cinquantaine de mètres en avant sur la droite, un bois. Je surveillais l’arrière et droit devant le chemin.
Vers 10 heures la pluie se mit à tomber. Ma tenue anglaise, loin d’être étanche, j’avisai un jeune sapin dont les branches venaient jusqu’au sol juste à l’angle du chemin de desserte. Je m’installai dans ce sapin d’où je voyais très bien sans être vu. Soudain sur ma gauche à environ deux cents, deux cent cinquante mètres une explosion importante, une ferme là tout à côté venait de sauter. Ils étaient donc là tout proche, je redoublai de vigilance, tous sens tendus. Le calme semblait être revenu, lorsque j’entendis un petit bruit de branche cassée, je pensai à quelque bête dans cette grosse haie, je vis effectivement bouger quelque chose et me rendis compte qu’au milieu de la haie, il y avait un fossé que je n’avais pas remarqué et ô stupeur, qu’est-ce que c’est à quelque mètres de moi, 10-15 au plus?… c’était des hommes qui arrivaient en rampant. J’ai cru que j’étais mort de peur en voyant devant moi si près, les allemands en tenue de camouflage, filet sur le casque. J’ignorais que ça existait. L’impression et la surprise étaient terribles. J’ai rapidement réalisé la chance que j’avais d’être dans ce sapin, soudain la rage me prit avant qu’il ne soit trop tard, je dégoupillai avec les dents une grenade main droite une grenade main gauche et les jetai dans le fossé, celle de la main droite y alla directement celle de la main gauche heurta une des branches du sapin (frayeur !) mais roula jusqu’au fossé, les grenades pétées, je m’enfuyais rejoindre le 1er FM vu qu’il était à découvert, celui-ci se repliait déjà pour se mettre à couvert. Je rendis compte de mon aventure au Lieutenant Jury, il ne se produisit plus rien pendant un bon moment. Le Lieutenant organisa une patrouille.
Avec bien des précautions, nous arrivons au fossé, seule une belle tache de sang. Nous poussons jusqu’à la ferme, il ne reste plus que les murs calcinés. Toutes les bêtes ont été abattues, des chèvres ont été jetées dans la citerne de récupération de l’eau des toits. Nous remontons à notre cabane. Le Lieutenant envoie un agent de liaison au Q.G. de St Agnan pour avoir des nouvelles. A son retour les nouvelles ne sont pas bonnes, nos groupes se battent chacun dans son coin, sans aucune communication entre eux, le lendemain nous apprenons que la division alpine autrichienne qui avait attaqué les pas de l’est, était passée en force sans résistance semble t-il, et nous ne savions pas ce qu’étaient devenus les groupes qui défendaient les pas, les allemands étaient au Rousset et marchaient sur St Agnan qui ne pouvait être défendu, nous nous retrouvions pris en haut de la montagne, l’allemand devant et derrière.
Comme le soleil venait de reparaître, j’étendais ma tenue anglaise encore trempée pour la faire sécher un peu, et entrepris de dépecer un porc d’une cinquantaine de kilos que nous avions récupéré pour l’inviter à notre table car le ravitaillement manquait, lorsqu’un émissaire du Q.G. réussit à nous joindre. Ordre nous était donné de disparaître dans la nature pour éviter que l’allemand ne se venge sur les civils, et de nous regrouper en forêt de Bouvante vers le Pas des Chatons. Le Lieutenant Jury réunit notre groupe dans une petite clairière, à une cinquantaine de mètres de notre cabane pour un départ immédiat. Comme je revenais à la cabane, récupérer ma tenue anglaise pensant emmener aussi les deux jambons, un obus de mortier atteignit la cabane de plein fouet. Je fus projeté à terre à plusieurs mètres, je récupérai en rampant ma Sten et ses quatre chargeurs. Des armes se mirent à tirer, impossible de retraverser le passage pour rejoindre le groupe ! Il me fallut redescendre un peu en contrebas, vers le Pas du Pré, pour éviter les tirs et traverser. Au passage, je récupérai un seau de grenade à un poste de défense du Pas. J’arrivai dans la petite clairière où Jury avait réuni le groupe : plus rien ! ils avaient disparu, et pour cause… les allemands étaient en train de nous encercler. Je savais que le groupe devait suivre les crêtes pour éviter le combat devenu impossible. Le seau de grenades était beaucoup trop encombrant, je réussis a en garder une vingtaine en deux tours de ceinture. J’entendis des bruits un peu partout puis deux mots tout près vers la crête. Je compris que c’était de l’allemand, à nouveau deux mots plus bas… je restai assez longtemps sans bouger, couché sous des feuillages, j’avais peur de me faire repérer à cause de la couleur voyante de ma peau parce que je me retrouvai en short et torse nu en plein combat. Puis il me fallut ramper, assez longtemps avant de me sentir hors de l’enceinte qui nous contournait.
J’ai pu retrouver les traces de mon groupe et suivre leur direction j’ai compris que par les crêtes, ils allaient vers le Nord du plateau de Vassieux, là où les bois se referment et la route fait des lacets assez serrés offrant plus de facilité pour le franchissement. Comme j’approchai, j’avisai plusieurs petits bosquets au bord de la route, je pensai la franchir en allant de l’un à l’autre c’est alors que je vis un de ces bosquets changer de place. Et vite je compris que c’était un blindé ou automitrailleuse camouflés qui étaient déjà là, je rebroussai chemin prudemment et franchis la route plus au Nord, mais là la montagne d’en face est trop abrupte, impensable d’y monter dans l’état ! Je suivais donc la base prudemment, direction Sud, jusqu’au moment où je pus y monter. Je grimpai quelques centaines de mètres et décidai de me reposer un peu, mes grenades étant devenues pesantes. Au bout d’un moment j’entendis des voix ! Des Français, je repartis donc dans cette direction, c’est ainsi que je retrouvai mon groupe. Un des nôtres m’a donné un maillot, ça allait déjà mieux !
Nous avons erré quatre jours sans eau ,sans ravitaillement, avant de tomber tout à fait par hasard sur un container en carton, perdu en pleine forêt ! Les containers en carton étaient des containers de vivres, nous venions de traverser un fossé où coulait un filet d’eau c’était un moment de bonheur après avoir eu tant soif et tant faim ! Je décidai, après avoir compris que pour gagner une guerre il fallait d’abord être vivant, d’échanger mes grenades contre des boîtes de corned beef, le détonateur d’un côté, la grenade de l’autre, je n’en gardai que quatre (deux de chaque côté à la ceinture).
Nous continuons notre périple à la boussole, la carte d’état-major que possédait Jury s’étant relevée fausse. Les points d’eau indiqués étaient des croisements de routes bien gardés. D’en haut nous suivions une petite route lorsque nous entendîmes arriver un cavalier. Le Lieutenant Hubert Audras et le sous Lieutenant Morel-Journel se mirent à crier : “Bernard ! Bernard !” Le cavalier s’arrête. Nous descendons vers lui. Il était tout surpris, au courant de rien en ce qui concernait les événements, coupé du reste depuis le début des combats, et étonné qu’on lui apprenne qu’il y avait des allemands au premier croisement.
Il nous emmena à son cantonnement, c’était un hameau de charbonniers abandonné avec une belle fontaine à trois bassins, une aubaine ! nous commencions à être crasseux ! Le soir venu les officiers se concertèrent. Jury déjà échaudé, ne voulut pas l’hébergement offert jugé trop risqué, nous nous installons pour la nuit sur la hauteur au-dessus du camp, dans les sapins, il pleut toute la nuit. Dieu qu’elles étaient froides ces nuits à plus de 1000 mètres ! ! Il faisait à peine jour quand je décidai de faire du feu pour le jus? vers huit heures l’eau commençait à frémir; René Jury notre Lieutenant, sortant de ce qui lui avait servi de tente s’approcha du feu et me dit : “Ca va faire du bien de se réchauffer un peu ! !”. Par malheur il glisse un peu juste ce qu’il faut pour que la casserole bascule et éteigne le feu si difficile à faire sans fumée ! Il va falloir se méfier la journée commence mal ! Soudain c’est l’alerte. Les sentinelles ont entendu et vu arriver des blindés : une vingtaine de chars, automitrailleuses et des camions. Impossible de penser combattre, nous sommes tout juste une cinquantaine d’hommes avec le groupe du Capitaine (Roland) Bernard de Gery, ancien camarade de Saumur de Audras et Morel-Journel – c’est donc le repli dans la montagne, non sans avoir essuyé rafales de mitraillettes et canonnades de blindés. Le Capitaine Roland nous remit sur la bonne direction, nous étions près de 20 km trop au Sud. Puis nous nous séparons pour éviter de faire du bruit et de laisser trop de traces. Le lendemain nous avons retrouvé le nouveau P.C. (de Thivolet) juché sur un coupe-gorge pas possible, en haut d’une falaise de plus de 200 mètres dans les buis, à peine cent mètres en largeur et trois cents en longueur. Il avait pensé et avait eu raison, que l’allemand ne pourrait imaginer que nous étions plus de 200 dans une telle situation pratiquement sans issue sans vivres, sans eau. En dehors des missions de ravitaillement il fallait se terrer, le mouchard tournait toute la journée.
Nous descendions au ravitaillement sur St Jean et St Laurent en Royans, puis nous avons trouvé au col de L’Echarasson, le troupeau de moutons du père Gauthier et un carré de pommes de terre de la ferme Ferlin. Elles n’étaient guère plus grosses qu’un pouce mais qu’elles étaient bonnes lorsque nous réussissions à les faire cuire correctement ! !
Une patrouille du groupe (Roland) fut envoyée sur Vassieux pour avoir des nouvelles ou retrouver la trace du Capitaine (Paquebot) Commandant Modo ,parachuté début Juillet, et qui se trouvait à Vassieux le 21 Juillet. Guidé par un garde forestier volontaire, le soir ce guide fit camper la patrouille dans une clairière leurs disant : “je vous reprends là demain à l’aube !” mais au matin au lieu du garde forestier, un millier d’allemands encerclait la clairière. Ce fut un massacre ! Il n’y eut que quelques rescapés qui ont réussi à fuir. Ils nous ont rapporté l’affaire et que le Capitaine Roland, blessé, avait dû être emmené à Lente, probablement à la ferme de Mandement.
Le Capitaine Jury et six hommes sont envoyés en patrouille de reconnaissance sur Lente et si possible à la ferme du Mandement. J’étais éclaireur de pointe de cette patrouille. Après une longue marche où la soif et la faim nous tenaillaient, les fraises des bois qui bordaient le sentier étaient devenues trop tentantes ! Jury se fâcha : “PtitLouis ! passe dernier de patrouille ce n’est pas le moment de faire ce que tu fais ! Exécution !” Mais là, à nouveau tout un carré de belles fraises ! Discrètement je pose ma Sten et ramasse les fraises à deux mains, je n’ai pas le temps de les manger… mitrailleuses et fusils crachent ! Plus personne sur le sentier ! Devant, à une centaine de mètres, un allemand est en train de découpler trois chiens, je bondis sur le sentier et me sauve à toutes jambes. Arrivé à une courbe assez serrée au-dessus d’une barre rocheuse d’une quinzaine de mètres contre laquelle pousse une haie d’épines noires, il me semblait sentir le souffle des chiens derrière mes cuisses. Je saute le plus haut possible en levant les bras, je passe à travers les épines noires et reste pendu. Au bout d’un moment qui me paraissait interminable, j’entendis une trompe, j’ai pensé “ils rappellent les chiens”, puis plus rien.
Alors peu à peu, je me dégageai et réussis à descendre la barre rocheuse, j’étais en sang, j’avisai alors un arbre le long du sentier par où nous étions venus, j’y montai préférant les balles aux chiens. Après un long moment je vis arriver une contre patrouille du camp. Lorsque je descendis de mon arbre le Lieutenant Hubert Audras qui conduisait la patrouille, s’exclama : “oh quelle passoire ! !”. J’avais du sang de partout ! Nous sommes remontés prudemment cette fois c’est moi qui les guidai. J’ai retrouvé ma Sten dans mon carré de fraises et nous avons pu voir une vingtaine de chars, des automitrailleuses, des camions, il y avait là plusieurs centaines d’allemands. Impossible d’aller plus loin vu qu’ils avaient des chiens. Sans trouver trace du lieutenant Jury et du reste de la patrouille.
Dans la soirée, deux hommes de la patrouille, puis Jury arrivent au camp, le lendemain matin tout le monde était rentré. Lorsque les allemands sont partis de Lente, derrière la ferme du Mandement, un trou avait était creusé et rebouché. ça ressemblait à une tombe. Nous l’avons ouverte : c’était bien le Capitaine Roland. Il avait été affreusement torturé. Nous l’avons provisoirement remis dans sa tombe, avons fait une croix portant son nom et nous sommes recueillis quelques instants sur sa tombe. Nous avons aussi appris que le groupe des “Tcherkesses” qui était passé nous voir vers une heure du matin le 21 Juillet avait été surpris et massacré à leur nouveau cantonnement à l’arrivée des planeurs. Les deux sentinelles avaient été pendues en bascule sur la branche d’un arbre. Il n’y a pas eu de survivant.
Au cours d’une descente au ravitaillement où nous descendions le lit d’un petit torrent qu’accompagnait une conduite forcée partant d’un bassin en bas d’une falaise, nous passions sous un pont où il y avait toujours une automitrailleuse qui montait la garde. Et ce jour personne ! ! ! les allemands avaient relâché la pression, nous étions beaucoup plus à l’aise et nous avons appris le Débarquement dans le midi.
Le groupe qui s’occupait du parc autos avait réussi à cacher un camion gazobois Berliet, mais la batterie en mauvais état, ne permettait pas la mise en marche du camion. Une mission pour faire sauter un train de munitions de gros calibre en gare de St Marcel Les Valence, est organisée avec l’unique gazo. il fallait le pousser dans la descente pour mettre le moteur en marche, le coup de main ne devait pas durer plus d’une demi-heure. Arrivés à deux kilomètres de St Marcel, nous descendons du camion, ordre est donné au chauffeur de laisser tourner le moteur pour repartir plus vite. Lancées sur les wagons, les bouteilles d’essence qui en réalité était de l’alcool de betterave brûlaient un peu puis s’éteignaient, en plus nous avons été accrochés et avons dû employer des gamons (grenade plastic antichar) pour ne faire sauter que quelques wagons et nous replier sur notre camion. La mission avait duré quatre heures le moteur était arrêté, plus de bois ! on tente de sauver le camion en le poussant avec tous les risques que cela comportait pour finalement l’abandonner et rentrer à pied à travers le bois.
Puis nous abandonnons notre camp du Pas de la Rochette pour venir nous installer à la Baume d’Hostun. Un jour où j’étais de garde au P.C (Thivolet) une patrouille qui avait fait une reconnaissance en traversant tout le Vercors rapportait les raisons pour lesquelles la 52ème division alpine autrichienne avait si facilement franchi les pas de l’est, le rapport disait : “les défenseurs n’ont pas combattu, les sacs de grenades sont restés pleins et les fusils mitrailleurs balle engagée n’ont pas tiré, les défenseurs des pas disparus.” – c’était plus que choquant, le Lieutenant Jury à qui je remettais le rapport me dit : “je n’y crois pas je veux en savoir plus !”
La vérité nous l’avons apprise plus tard. De chaque côté des Pas, hors de vue des défenseurs, des groupes de l’infanterie alpine ont franchi les falaises, tandis qu’en bas les fantassins faisaient semblant de monter et guidés en permanence par l’avion mouchard, ces groupes sont tombés sur l’arrière des défenseurs des Pas avec une telle surprise, qu’ils n’ont même pas pu rejoindre leurs armes. Ils furent massacrés sur la place et jetés dans la Rimaye. C’est Albert Darier, un des rares rescapés, qui nous a raconté l’aventure. Il a fait un livre là-dessus, et fut longtemps secrétaire général des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors.
Le jour de l’attaque, pour libérer Romans on nous transporte à Peyrins, au Nord de Romans, et par Mours, nous arrivons sur la ville par la gare, et tout de suite les choses sérieuses sont engagées. Les Allemands se replient sur la caserne, les choses ne sont plus les mêmes. Au Vercors ils étaient à chaque fois des centaines avec blindés et aviation, l’avion mouchard en permanence pour attaquer des groupes isolés de 30 à 40 maquisards mal armés et sans communication. Là, ils ne sont plus cent contre un, et la surprise c’est nous, et ça change tout !
Nous arrivons sur la grande place, avec au milieu, le petit bâtiment des pompiers. Ordre nous est donné de bloquer la route de Tain, des groupes d’allemands essayant de rejoindre la caserne sont refoulés, dispersés, après plus de deux heures de combats le canon de 77 et les deux mitrailleuses en batterie, devant la caserne sont réduits au silence. Le 77 ne devait avoir que quelques munitions car on ne l’a pas beaucoup entendu, les grenades jetées des toits voisins arrivant dans la caserne dont une partie commençait à brûler, les allemands tentent une sortie, le tout pour le tout ! les premiers camions du convoi qui tentaient la sortie ,étaient couverts de matelas, ils ne firent guère plus de cent mètres, nous avions retournés nos FM et les arrosions copieusement. Un des nôtres (un noir), sorti de la rue au coin de l’église, FM à la main, vida son chargeur presque à bout portant. Le camion tourna sur sa droite pour s’immobiliser au bord de la place face au petit bâtiment des pompiers, le convoi stoppa, des drapeaux blancs sortirent, ils se rendaient ! ! nous avons fait plus d’une centaine de prisonniers.
Nous nous installons dans les dortoirs du collège réquisitionné par nous, le surlendemain nous poussons une reconnaissance en direction de Valence, arrivés vers St Marcel les Valence stop. La 11ème Panzer division est là, impressionnante ! Nous sommes terrifiés, des chars par centaines parfaitement alignés, nous nous sentons bien légers avec nos FM nous avons bien sauvé quelques Bazookas, nous nous replions sur la pointe des pieds. Des postes antichar sont installés à l’entrée de Bourg de Péage, sur la route arrivant de Valence, mais s’ils y arrivent qui pourrait les arrêter ? Le bâtiment du collège forme un L , l’entrée principale est un grand portail en bois donnant sur la place, à l’intérieur, la grande cour, le bâtiment principal au Nord de cette cour au Sud, un mur de soutènement de plusieurs mètres, au fond de la cour côté est un mur sépare le collège d’une villa où était logé la Commandant allemand, une porte en fer en ferme le passage.
Je poursuis la visite et me rends compte que par cette propriété fermée côté Sud par un portail en bois en ouvrant la propriété suivante, on peut accéder aux berges de l’Isère en cas de fuite ce qui risque d’être probable, c’est peut-être de première importance. J’ouvre donc le passage de façon irréparable dans l’immédiat, je reviens à la porte en fer du collège, je fait sauter les gonds. Le passage de fuite, par nécessité, ne peut être refermé avant plusieurs jours. Après ce que nous avions vu dans la plaine vers St Marcel les Valence, j’ai pensé qu’il valait mieux prévoir, les plaintes des voisins ne tardèrent pas, le Lieutenant Jury me menaça de prison, vu que les américains qui étaient à Grenoble seraient à Romans le lendemain.
Les voilà ! ils sont là, la déconvenue est de taille : 5 chars légers armés de canon de 37 et d’une mitrailleuse ! on comprend leur réticence à rester avec nous, et ils vont s’installer pour la nuit sur la route de Chabeuil, évitant bien tout risque de contact avec l’allemand. Deux jours passent encore sans alerte, puis un après-midi alors que j’apprenais à une jeune recrue le montage et démontage d’un F.M., une balle suivie d’une courte rafale… quelqu’un lâche : “Encore un con qui a fait tomber sa Sten !”, une mitrailleuse réplique et tout de suite le bruit assourdissant, des chars qui arrivent sur la place. C’est l’un des nôtres qui voyant un des servants de chars en allemand, l’a allumé pour donner l’alerte ce qui a certainement évité un carnage. C’est la débandade dans la cour du collège ! la seule issue est le passage que j’avais créé, le F.M sur l’épaule, Lolo le nouvel engagé, charrie un sac dans lequel on a fourré précipitamment balles et chargeurs. La cour du collège s’est vidée, un char arrive devant le portail, le Lieutenant Jury lance (Malaperre) : “Ferme le portail ! ! !” Nous partons en courant. Nous étions les derniers à traverser la cour, nous n’en étions pas à la moitié, que le char fracassait le portail. Sa mitrailleuse se mit à cracher, d’un coup d’épaule j’envoie Lolo au tapis et plonge pour laisser passer la rafale, et vois tomber les deux gardes mobiles nouvellement engagés. Me rendant compte que la porte cochère de l’entrée du collège laissait un angle mort à la mitrailleuse du char, pas d’hésitation ! nous sautons le mur de soutènement ! J’ai bien cru que le F.M m’avait cassé l’épaule ! la route était libre ! nous filons jusqu’à l’Isère nous courons jusqu’au barrage de Pizançon, que nous franchissons et remontons la route de St Nazaire, pour aller nous mettre à la protection des bois un peu avant l’Ecancière. C’est là que nous nous sommes regroupés pour faire le point et comprendre comment les chars allemands étaient arrivés sur la place sans que l’alerte soit donnée, la surprise avait été de taille, il y avait de nombreux manquants.
Tandis que la 11ème Panzer ne bougeait pas, une trentaine de chars est arrivée le long de l’Isère par un chemin genre chemin de halage, difficilement carrossable, protégé de la vue par les haies. Les chars étaient habillés de branches et de feuillage. Le feuillage les camouflait, les branches en bois vert les protégeaient des obus de Bazooka, les obus se plantent dans le bois vert et n’explosent pas et les croix noires ne sont plus visibles.
Ils débouchèrent brusquement sur le pont, une partie reprenant la route de Valence pour la dégager, prenant tous nos postes à revers. Ceux-ci ont dû croire un instant que c’était les américains, hélas ! ce n’était plus qu’à la grâce de Dieu ! C’était tout de même de sacrés guerriers cette armée allemande ! Jamais où on les attendait mais toujours par surprise et à coup sûr ! Nous sommes restés près d’une semaine dans cette situation, les Alliés faisaient du sur place. Un jour, une patrouille allemande avec plusieurs blindés font une reconnaissance dans notre secteur. Ordre nous fut donné “de faire les morts”, alors que les blindés balançaient ça et là ,quelques obus et rafales de mitrailleuses, juste à côté de moi un jeune engagé veut se lever, je lui dis : “Ne bouge pas ! tu vas nous faire tirer dessus !”… “Non je veux juste les voir…” et il se lève. Il les a vus, mais une rafale l’a aussitôt couché, nous l’avons enterré provisoirement le soir dans un sac de couchage. Puis la nouvelle nous arrive : les chars sont partis de Romans par la route de Beaurepaire ! Aussitôt, branlebas de combat ! Nous marchons de nouveau sur Romans, espérant y accrocher une arrière garde, mais rien ! plus un allemand le collège a été incendié, des prisonniers fusillés, les ponts détruits et j’en passe, mais cela aurait pu être bien pire. Le temps de nous réorganiser, de réquisitionner des camions, et tout ce qui pouvait nous transporter, et nous arrivons à Lyon le 2 Septembre à la nuit tombante. Des tirs de miliciens juchés sur les toits, nous firent encore un mort.
Fait prisonnier avec les autres officiers du 11ème Régiment de Cuirassiers. Lors de l’Occupation de la zone sud de la France, en Novembre 1942, les allemands avaient laissé aux officiers leurs armes blanches et leurs chevaux. Le Lieutenant Geyer avec d’autres Officiers du 11ème Cuir emportant l’étendard de leur Régiment, chargèrent sabre au clair, sautant les chevaux de frise, rejoignirent la forêt de Thivolet, puis de Vercors. Après vingt deux mois avec les combattants de l’ombre, le Capitaine (Thivolet) Geyer ramenait l’étendard victorieux de son régiment dans ses quartiers de la Part Dieu à Lyon. Il garda son nom de guerre et devint Geyer la Thivolet. Il finit sa carrière Commandeur de la Légion d’Honneur.
Personnellement, j’ai poursuivi, comme bien d’autres, la campagne, pour libérer notre pays et nos prisonniers civils et militaires. Notre régiment fut intégré à la 1ère DFL, à l’attaque de Belfort nous étions soutien portés sur les chars du 1er Régiment de Fusiliers marins, sous les ordres du Général Diego Brossette. J’ai été blessé le jour-même de sa mort, à peine quelques kilomètres plus loin.
Blessé à nouveau en Février 45, cité à l’Ordre de la Division. Si aujourd’hui, dans nos manifestations, je porte mes décorations, Médaille Militaire, Croix de Guerre, Croix de Combattant Volontaire, ce n’est pas par orgueil, j’en serais plutôt gêné. Mais c’est pour eux, ils avaient 20 ans, c’étaient plus que nos amis, c’étaient nos frères, nos frères d’armes, ils ont été jusqu’au sacrifice suprême, ils ont donné leur vie à 20 ans pour libérer notre pays. Ces décorations, ce sont les leurs, celles qu’ils ne peuvent pas porter. Ce sont eux les véritables héros de notre pays, et je les porte, ces décorations, pour qu’on ne les oublie pas.
Merci pour eux et pour nous, Monsieur Henri Bertholet Maire de la belle ville de Romans sur Isère, chère dans nos cœurs, merci à votre conseil municipal, au Lieutenant Colonel Isabellon, à Monsieur le délégué général des villes marraines, à notre cher Président et ami Jean Brunet, et à tous ceux qui ont oeuvré pour que le souvenir de cette belle jeunesse sacrifiée pour notre liberté, ne tombe pas dans l’oubli mais au contraire soit perpétué par cette nouvelle liaison pleine de reconnaissance, et d’amitié pour notre régiment le 11ème Cuirassiers.
Merci Messieurs, merci mes amis, ils avaient 20 ans.
NDLR: le 11 septembre 2011, M. Pinet est promu Chevalier de la Légion d’Honneur.
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ATTAQUE AEROPORTEE ALLEMANDE SUR LE PLATEAU DE
VASSIEUX EN VERCORS DU 21 JUILLET 1944
Rapport fait par Louis Pinet (pti Louis) du groupe de soutien du Q.G qui a donné l’alerte de l’attaque allemande aéroportée du vendredi 21 juillet 1944 à 8h20 sur le plateau de Vassieux en Vercors.
Le temps était couvert, le plafond bas, depuis plusieurs minutes j’entendais des avions semblant venir dans notre direction, soudain j’ai vu apparaître (crevant le plafond) au droit du col du Rousset une formation de 7 trains de planeurs : 5 de 5 planeurs et 2 de 7 planeurs, ces trains de planeurs étaient tirés par des avions énormes, monstrueux à deux fuselages très larges et semblants court dont je n’ai pas réussi à compter le nombre de moteurs, volant sud nord ils firent un demi tour par leur gauche survolant le col de St Alexis, et y lâchèrent tous les planeurs, les avions tracteurs plongeant au ras des falaises dans la cuvette du col du Rousset coté sud et là j’ai formellement reconnu sur les trois premiers trains de planeurs sur la gauche de la formation qu’il s’agissait de deux bombardiers HEINKEL111 accouplés par le bout de l’aile et volant comme un seul avion.
Je n’ai pas eu le temps de regarder les autres avions tracteurs, tandis que les planeurs se dirigeaient sur Vassieux, un petit groupe de 6 peut être 8 d’entre eux prirent la direction nord pour les hameaux du château et de la Mure, le lieutenant JURY accouru a mes cris et avait essayé de téléphoner au Q.G, nous avions une ligne directe mais elle avait été coupé et le Talkie Walkie inutilisable « pti Louis saute avertir le P.C et rapporte moi la conduite à tenir pour notre groupe au plus vite ». J’allai partir pour le rang des Pouret où se trouvait à la maison forestière le P.C (Hervieu, Thivolet) lorsque deux des planeurs apparurent par une large échancrure de la montagne. Nous les avons vus redresser leur trajectoire et plonger en piqué un grand parachute à la queue descendant comme des containers et leur permettant d’arriver sans bruit et de se poser en quelques mètres tout près des maisons.
Tout ce que j’ai vu là a duré moins de deux minutes, nous avons constaté plus tard que les occupants des planeurs en étaient sorti en coupant la toile de chaque côté des planeurs, la surprise fut telle que nul n’eu le temps de donné l’alerte ou de prendre une arme, les deux sentinelles du camp des Tcherkuesses ont été prise sans avoir pu donner l’alerte, et le groupe brûlé vif dans leur grange tuant tous ceux qu’ils trouvèrent, le curé de Vassieux épargné fit parti des miraculés, violant, pillant, incendiant ou dynamitant les maisons nous avons retrouvé des cadavres humains et d’animaux dans toutes les citernes de récupération d’eau de pluie. Au P.C j’ai trouvé le lieutenant colonel HUET, le capitaine THIVOLET et un capitaine du 6eme B.C.A, ils n’ont pas eu l’air très surpris par mon rapport, mais j’ai vu une grande inquiétude dans leurs regards, à la requête du lieutenant JURY commandant du groupe de soutien du Q.G ordre d’interdire à l’allemand le passage du pas du près exécution.
Lorsque j’ai voulu raconter ce que j’ai vu et vécu au Vercors lors de cette attaque aéroportée je me suis trouvé devant un non recevoir général, des officiers supérieurs ne m’ont pas fait de cadeau et m’on traité d’affabulateur tant sont nombreuses les infaisabilités, pourtant je l’ai bien vu et je dois même vous avouer qu’à un moment ma sten m’a semblé bien légère, peu à peu et à force d’être contredis je me suis tu.
J’arrive sur mes vieux jours, je ne voudrais pas disparaître sans que des recherches soient faites dans les archives de la Luftwaffe qui authentifiaient mon rapport, j’ai écris dans ce but au président de la République mais il m’a été gentiment répondu qu’il allait examiner ma requête dans les meilleurs délais, et voilà qu’en février 2010, Jérôme le fils de mon ami D.D s’est intéressé à mon affaire et qu’il a trouvé sur internet le fameux et rare Heinkel 111Z tracteur de planeurs qui a bien été utilisé en France en 1944. Je n’ai donc jamais été un affabulateur mais un témoin encore vivant, je n’en veux pas à mes détracteurs enfermés dans leurs certitudes, ils n’ont jamais pensé ou admis que les allemands eux avaient réussit à le faire.
J’aimerai que mon rapport paraisse dans le bulletin des pionniers pour qu’au moins eux sachent ce qui s’est réellement passé ce 21 juillet 1944 sur le plateau du Vercors.
Monsieur PINET Louis