Récits – André Madeline – Le pas de la selle

Passage du PAS de la SELLE

Le départ pour le PAS de la SELLE est fixé pour demain. Afin de reconnaître la route et estimer les risques éventuels d’avalanches, “PAYOT” part la veille avec quelques bons skieurs.

Tout le surplus de matériel qui est impossible de porter sur les sacs à dos, doit être descendu à SAINT-MICHEL-LES-PORTES afin d’être chargé sur un camion. Celui-ci doit nous rejoindre avec certains d’entre nous par l’itinéraire contournant le VERCORS : Col de MENEE, CHATILLON-EN-DIOIS, DIE, CHAMALOC et le Col du ROUSSET. C’est ainsi que “LEONIDAS”, “MIMILE”, “MIREILLE” et “FILOCHARD” avec son pied bandé, prennent le camion conduit par PINTCH. “LEONIDAS” et “MIREILLE” doivent nous quitter définitivement.

La veille du départ personne ne veut aller en corvée à SAINT-MICHEL-LES-PORTES. Complètement écœurés, “PARE-CHOCS” et “CALVA” se dévouent pour faire plaisir à “PAYOT”. Ils descendent avec un traîneau surchargé, tiré par “LA TERREUR”. C’est inimaginable ce que l’on peut trimbaler avec soi dans le Maquis : T.S.F., matériel de cuisine principalement, sacs de blé, vêtements supplémentaires etc.

A chaque fois que le traîneau, quittant la piste, s’enlise; les Normands en bavent comme des Russes et tempêtent contre les copains qui auraient bien pu venir avec eux pour les aider dans cette corvée. Arrivés à SAINT-MICHEL-LES-PORTES, comme prévu, ils déchargent le traîneau dans la grange du père DUMAS, non loin de la gare ; brusquement, celui-ci réalise que les Boches et les Miliciens peuvent tomber sur ce dépôt avant qu’il ne soit enlevé. Alors, pris par une panique irrésistible, il fait un tel “cinéma” que, pour avoir la paix, les deux maquisards rechargent le tout, avec son aide et vont déposer le matériel dans un baraquement vide à mi-chemin entre la gare et le bourg. Certes, il aurait été préférable d’y penser auparavant.

Heureusement, le retour se fait dans le traîneau vide. Rentrés à 3 heures du matin, le lever général est à 5 heures, pour tous.

Nous emportons tout ce qui nous est essentiel, sacs bien bourrés, nous partons. A la moitié de la montée vers le PAS de la SELLE, comme la pente devient de plus en plus raide, les Normands ne peuvent plus poursuivre ainsi la “transhumance” du C12. En effet, absents la veille pour cause de corvée, ils ont été dans l’impossibilité d’apprêter leurs skis en revêtant le dessous de fart de montée comme l’ont fait les autres. Comme personne ne l’aurait fait à leur place, ils n’avancent plus, glissent et patinent de plus en plus. Après avis de “PAYOT” ils retournent au camp pour préparer leurs skis. Sur les conseils de “JOB-JOB”, qui n’a toujours pas pris le départ, ils fartent convenablement leurs skis et repartent tous ensemble.

Malgré le fartage, la course est rude et ils s’acharnent à la montée car ils veulent montrer aux autres qu’ils ne se laissent pas abattre par l’adversité et surtout pour si peu ! Ils lâchent progressivement “JOB-JOB” qui ne va pas assez vite à leur goût et doublent… doublent…. dans un cadre féérique, où la neige forme des arches avec les petits sapins qu’elle recouvre, la nature étincelle de mille feux au soleil levant dans un silence impressionnant. De nombreux copains se sont arrêtés pour “casser la croûte” dans ce site merveilleux. Les Normands décident de brûler l’étape et arrivent, exténués mais heureux à la deuxième pause au cinquième et sixième rang.

Les dernières montées sont si rudes, qu’abandonnant la montée “en canard” nous sommes obligés d’en venir à celle dite “en escalier”.

Tout le monde ayant rejoint le PAS de la SELLE, “PAYOT”, par mesure de sécurité et de prudence, tire un coup de fusil afin de déclencher une mini-avalanche pour effacer nos traces.

Au sommet, des photos sont prises. Malheureusement, à l’exception d’une seule, nous ne savons pas ce qu’elles sont devenues. Après le regroupement général, nous nous restaurons avant de repartir.

Nous avons de grosses difficultés pour descendre une très forte pente à cause, d’une part, de l’état de la neige qui est molle et d’autre part, de notre fart de montée que nous ne pouvons pas enlever. De plus, le poids de notre “barda” et notre inexpérience sont aussi un handicap certain.

“JOB-JOB” n’arrive pas à descendre. Il a des mots avec “LA TORNADE”. Il s’énerve et veut tirer dessus au 92. Il finit par se calmer, mais nous ne manquons pas de baptiser ce mauvais passage : “LE JOB-JOB SCHUSS”.

A la tombée du jour, très fatigués, nous nous couchons dans le grenier à foin de la bergerie de COMBEMALE.

Bien au chaud, malgré la forte odeur de moisi, nous passons une nuit merveilleuse.

Le lendemain matin, en pleine forme, nous avons oublié nos tracas et rancunes de la veille. Après le petit-déjeuner et un brin de toilette, nous repartons. “PAYOT”, “FEND-LA-BISE” et quelques autres ont couché plus loin “AUX OURS” dans le petit chalet de “PAYOT”.

Ce matin là, un brouillard très épais, estompe complètement le paysage. Heureusement “PAYOT” vient à notre rencontre pour nous guider. Nous passons “AUX OURS” et nous nous demandons bien pourquoi “PAYOT” emporte une pelle. Après une petite heure de marche, nous arrivons sur le plateau de BEURRE.

LE CHALET “BELLIER”

“PAYOT” connait tellement bien les lieux qu’il se dirige sans aucune hésitation, vers un petit monticule neigeux en bordure du bois : C’est le Chalet “BELLIER”. Il est sous cette grosse bosse blanche, c’est dire l’épaisseur de la couche de neige.

“PAYOT” nous désigne un endroit et nous creusons une tranchée pour dégager la porte d’entrée du chalet. Il prend tranquillement une clef dans sa poche et nous entrons. Nous sommes chez nous. Il ne nous reste plus qu’à dégager la neige devant les fenêtres pour y voir clair.

Monsieur BELLIER, restaurateur à la “CHAPELLE-EN-VERCORS, l’a mis à notre disposition ; c’est dire la confiance qu’il peut avoir en “PAYOT”, son patriotisme. Nous qui venons de vivre dans la misère des camps des chantiers de jeunesse, nous sommes éblouis par l’intérieur de ce chalet et de l’aspect de propreté qui s’en dégage. Pour nous c’est un grand luxe.

Au rez-de-chaussée, une grande salle à manger de restaurant vernie avec de petites tables et des chaises, elles-mêmes vernies. Au centre, un très gros poêle noir surmonté d’un énorme chaudron manœuvré avec un palan. Celui-ci sert à faire fondre la neige pour avoir de l’eau chaude. Enfin une petite cuisine toute équipée sous laquelle se trouve une cave. Ces deux parties du chalet sont du domaine des cuistots. A l’exception de ces derniers, bien entendu, elles seront interdites à tout le C12.

A l’étage se trouve un grand dortoir sans double plafond ni calorifugeage, directement sous les tôles ondulées ; des lits métalliques individuel avec chacun un petit matelas et deux couvertures. Au bout du dortoir, une petite alcôve pour surveillant: C’est l’univers restreint où couchent “PAYOT” et “HARDY” quand ce dernier passe au chalet. A l’autre bout du dortoir, un petit cabinet de toilette sans eau (domaine de “CUPIDON” diront les mauvaises langues). Le chalet est adossé aux bois. En face, il y a un parc à moutons clos, invisible à l’heure actuelle car enfoui sous la neige. Il n’y a pas d’électricité, mais nous nous éclairons avec des lampes à pétrole fixées à la paroi. Par contre, nous avons un phonographe avec un grand pavillon. On le remonte à la manivelle. Les disques, trop peu nombreux, deviendront vite des scies. Les airs qui reviennent sans cesse sont : ” Tu as tord TOTOR”, “Tu te tues” “Entends-tu l’appel du ski”, “T’en fais pas Bouboule”, “L’agent voyer est un agent voyeur ” etc…etc….et j’en passe et des meilleurs !!!

La vie de château, quoi !!

“LEONIDAS” revient par la route avec “MIMILE” et “FILOCHARD”, mais sans “MIREILLE”. Il repart avec “JOB-JOB” pour SAINT-MARTIN-EN-VERCORS. “FILOCHARD” dort avec son disque préféré attaché à son cou avec une ficelle afin de décourager ceux qui voudraient le lui “piquer” pour le détruire, car ce disque est devenu un vrai “casse-pieds”.

“PAYOT” commandant maintenant seul le C12, prend toutes les décisions qui s’imposent, ce qui n’est pas pour nous déplaire !

Pour nous le chalet Bellier, c’est “BELLIER”.

 Le Chalet Bellier

Le Chalet Bellier

“LA MEME BORDAT”

Sous le plateau de BEURRE, à la sortie nord de l’ancien tunnel du Col du Rousset, le “PEPE” et la “MEME” BORDAT tiennent une auberge en bois. Cette auberge est composée d’une grande salle de café attenante à une cuisine et une chambre sur une cave souterraine contenant des barriques de vin. Il y a l’électricité.

Le chalet BORDAT est baptisé “LA MEME”.

En face du chalet BORDAT a été bâtie une modeste construction, auberge des camps de jeunesse. Nous l’appelons “L’ANNEXE”. Dans ce bâtiment sont installés des lits et matelas passablement usagés.

Ils ont déjà vu passer beaucoup de monde.

Hormis les Maquisards, il ne passe pratiquement personne. Les Chantiers de jeunesse ne font plus de coupes de bois et les jeunes de la vallée ne se risquent pas à monter dans cette région de crainte d’être pris, selon l’occupant des lieux du moment, soit pour des espions, soit pour des Maquisards. Le chasse-neige ne passe plus et l’arrivée du C12 est presque une aubaine pour “PEPE” et “MEME” BORDAT. Le C11 ne fera que passer à notre suite. Si nous avons peu de “Kopecks” dans nos escarcelles, par contre nous amenons avec nous la jeunesse et le mouvement.

Au chalet BORDAT, “PAYOT” établit un relais. On y installe notre poste de T.S.F. et l’ANNEXE sert de dortoir pour les attardés de retour de mission et pour les gardes de nuit du tunnel. En effet, nous montons très régulièrement la garde aux deux extrémités du tunnel. Du côté sud, il y a le refuge VITTOZ. C’est également une auberge, mais en dur, comprenant plusieurs chambres. On y trouve un téléphone. Lorsque nous arrivons au refuge, il y a un jeune couple (probablement des Juifs qui quitteront les lieux peu de temps après).

Au “LA MEME”, nous pouvons casser la “croûte” en écoutant le radio, car “PAYOT” a laissé des vivres et du café. Nous écoutons la B.B.C., radio VICHY et Philippe HENRIOT avec son éditorial : “Un Maquisard m’a dit”.

Dans la journée, au “BELLIER” nous effectuons les corvées habituelles de bois, de ravitaillement et de “pluches”. Dans un souci scrupuleux d’honnêteté, “PAYOT” tient à ce que nous n’utilisions que du bois des forêts Domaniales.

Nous coupons les arbres au ras de la neige, à la hache et à la scie. Puis nous les tronçonnons en rondins pour les transporter sur la petite luge du chalet. Nous empilons le bois vert autour du poêle pour qu’il sèche. Le poêle dégage tellement de chaleur, qu’à plusieurs reprises, le bois prend feu ; d’où la nécessité d’avoir une présence permanente au chalet. Au début de la nuit, dans le dortoir au-dessus, il fait une chaleur tropicale. Au fur et à mesure que la nuit s’avance, et que le feu décroît, si les gars de retour de garde ne prennent pas la peine de réalimenter le poêle (il arrive qu’au matin il s’éteigne) la température devient alors polaire et nous grelottons sous les couvertures.

“PAYOT” a pris personnellement en main le ravitaillement. Avec un prêt réduit à 90 francs Petain par jour et par “tête de pipe”, (moins, bien sûr, les 2 francs de solde) le menu s’améliore très sensiblement. Le Lieutenant dispose de quatre à cinq cartes de pain par homme et nous avons dans nos sacs une ration de survie, denrée très rare pour l’époque : un kilo de sucre. Le DIOIS nous vient en aide. A ROMEYERE, le Maire, Monsieur FIALLOUX et le garde chasse, Monsieur SANTONI père sont le soutien du C12. Son fils Roger, qui fait partie du C12, ne montera jamais au camp. Il a reçu l’ordre formel de “PAYOT” de rester dans le DIOIS où il sera Maquisard permanent, disponible, à tout moment, pour nous aider dans nos actions. Il nous rendra d’éminents services, notamment en juillet et août 1944.

A DIE, nous avons aussi de nombreux et efficaces soutiens, notamment la famille BRUNEL dont le garage et ses mécaniciens seront toujours à notre disposition et qui fournira trois Maquisards à la Résistance. Les familles BUFFARDEL, CARTON et BLACHE, sans parler de l’Hôpital de DIE, etc..

“HARDY” aussi, se dépense sans compter pour nous ravitailler et nous ressentons très vite le résultat de ses efforts. Il a acheté un veau destiné en commun au C11 et C12. Conservé dans la neige, nous devons le découper à la hache. Tous les jours ou presque, nous allons au ravitaillement au col ou à ROUSSET. Comme d’habitude, on retrouve toujours les mêmes volontaires et les mêmes “tire-au-flanc”. A force d’être volontaires pour les corvées, “PARE CHOC” et “CALVA” ont fait d’énormes progrès et maintenant skient assez honorablement.

Le C12 a reçu comme mission future d’assurer la réception de parachutages.

En attendant, outre l’exécution des corvées habituelles, les gars s’entraînent au lancer de grenades défensives anglaises. Naturellement, vu le peu de munitions, nous les avons désamorcées et les lançons sans les dégoupiller. Ce que nous cherchons, c’est la précision et la distance du lancer. Nous avons confectionné un mât avec un grand sapin que nous avons planté devant le chalet. Tous les jours, nous montons les couleurs et exécutons des exercices de maniement d’armes et de classe à pied. Ces entraînements s’effectuent devant le chalet, là où il y a le moins de neige.

Le soir, bien au chaud, ce sont des séances interminables de “VISOGRAPHIE”. Ces séances de tir ont pour but de nous exercer dans les trois positions du tireur (couché, à genoux et debout). Cet exercice s’effectue avec plusieurs tireurs et plusieurs cibles à la fois. A côté de la cible se tient un gars qui marque sur la cible et au crayon les impacts du tir. Au fusil, le tireur. C’est un tir sans cartouche. Après armement, le tireur vise l’objectif et appuie sur la queue de détente en disant: “Feu” lorsqu’il a la pointe du crayon du marqueur en ligne de mire au centre de la cible.

Le préposé au marquage inscrit une croix sur le point visé et totalise les impacts. C’est un véritable concours qui s’établit et en peu de temps, les résultats sont encourageants. Il ne restera plus qu’à exécuter des tirs réels quand nous aurons reçu armes et surtout munitions. Mais là ne s’arrête pas l’instruction militaire; ce sont aussi des séances de démontage et remontage non seulement de nos propres armes, mais aussi de celles des différentes nationalités qui transitent par le camp pour instruction, telles des armes Allemandes, Tchèques, Anglaises, Américaines etc.… Sait-on si un jour nous n’aurons pas à nous en servir. Peut-on savoir ?

Ces jours-ci, nous avons reçu quelques mitraillettes STEN, plusieurs carabines Italiennes, les unes à baïonnette pliante, d’autres à baïonnette rentrante; un Fusil Mitrailleur (F.M.) Anglais qui est affecté à “LA TORNADE” car il est le seul du camp a avoir fait 1940, et quelques grenades dont la dangereuse grenade Italienne qui plus tard blessera mortellement “RIBOULDINGUE”. Nous sommes allés chercher ce matériel à ROUSSET. Le tout est attribué aux plus anciens, comme d’habitude.

Nous tenons à jour une liste affichée des objets cassés qui appartiennent au chalet.

“PAYOT” tient absolument que nous les remplacions au fur et à mesure. A côté de cette liste est installée une boite aux lettres pour le courrier départ qui transite à VASSIEUX-EN-VERCORS grâce à André GIROUX, le facteur.

De temps à autre, “CUPIDON” descend chez la “MEME” BORDAT pour écouter les informations à la radio. Le soir, il nous les relate avec force détails dans l’atmosphère d’étuve du dortoir.

“FEND-LA-BISE” nous raconte un jour que le premier parachutage sur le VERCORS effectué le 13 novembre 1943 à ARBOUNOUZE, a été “piqué” en grande partie par les Equipes Civiles et que les Maquisards n’en ont pratiquement pas profité.

Lors des gardes que nous effectuons au Col du ROUSSET, nous voyons passer de temps à autre “LA LEGION”, un triste individu, pas très recommandable d’après ce que nous avons entendu dire. Il est fort connu dans la région de VASSIEUX-EN-VERCORS sous le nom de “Petit René”.

Très souvent le C11 manœuvre prés du col.

 La mémé Bordat
La mémé Bordat

L’AFFAIRE DE ROUSSET

A l’occasion d’une corvée de ravitaillement à ROUSSET, nous avons remarqué que plusieurs maisons ont été brûlées, dont une scierie.

La “MEME” BORDAT nous explique ce qui s’est passé :

Le 19 Janvier 1944, des Allemands étaient signalés faisant du tourisme dans le VERCORS. Ils ont donc été attaqués par des Maquisards, capturés au Pont de LA GOULE NOIRE et emmenés au P.C. de “THIVOLET”, chef Militaire de la Zone Sud du VERCORS.
Le lendemain, 20 Janvier, quatre Feldgendarmes font des recherches en voiture. Ils remontrent vers le Col de ROUSSET sans avoir retrouvé leurs camarades disparus, quand, après avoir dépassé ROUSSET, ils se “plantent” dans une congère au lieu-dit L’ARENIER. Ne pouvant dégager eux-mêmes leur voiture, ils redescendent à pied vers ROUSSET pour y chercher du secours. C’est là, vers la scierie, qu’ils sont attaqués par les gars du C13 de “ROUDET”. Un des Boches est tué sur le coup. Les pieds gelés, un deuxième Allemands sera pris et ramené à la brigade de gendarmerie de la CHAPELLE-EN-VERCORS où il sera soigné. Quant aux deux autres, ils réussissent à arriver jusque chez moi au Col. L’un d’eux ne pouvait plus marcher. L’autre, prenant les choses en main, me demande où est le téléphone. Je lui réponds que je n’en ai pas et qu’il fallait aller au refuge Vittoz en traversant le tunnel, ce qu’il fait. Il appela par téléphone ces chefs qui vinrent les chercher tous les deux.
Deux jours plus tard, c’est-à-dire le 22 janvier 1944, les routes étaient dégagées entre temps, une forte colonne Allemande remonte les GRANDS GOULETS. Il y eut des combats acharnés tant au GRANDS GOULETS qu’aux BARAQUES EN VERCORS.
De part et d’autre il y a des morts et des blessés, des ennemis mis hors de combat. Le sous-lieutenant ROURE y laissa la vie.
En représailles, les Allemands brûlèrent les BARAQUES EN VERCORS et à ROUSSET, une maison et la scierie. Ils repartirent avec le prisonnier Allemand blessé qui avait été soigné à la CHAPELLE.
Il a même été dit que lors des combats les Maquisards du C13 avaient lancé des grenades sans les avoir dégoupillées – faux.

Les grenades anglaises n’avaient pas explosées. En réalité les gars du C13 ignoraient que la livraison des grenades américaines et anglaises était parachutée sans être amorcées. Les détonateurs étaient livrés à part dans des boîtes à alvéoles en bois.

A l’époque nous étions au pied du MONT-AIGUILLE à LA BATIE-DE-GRESSE et nous n’avions pas entendu parler de ces événements, ainsi que bien d’autres naturellement. Nous n’avions que très peu de rapport avec la population civile, non seulement pour ne pas la compromettre, mais également pour notre propre sécurité. Les camps souvent très éloignés les uns des autres, les déplacements en montagne, par ce temps d’hiver, longs, pénibles et uniquement réservés aux tâches prioritaires, telles que : liaisons commandées, ravitaillement, gardes et transports de matériel. La mobilité des camps et de leurs fréquents déplacements nécessités pour leur sécurité entraînaient l’isolement, plus de nouvelles de l’extérieur par la T.S.F., pas plus que par l’environnement proche. D’autre part, avec toutes ces tâches qui nous étaient imparties nous n’avions guère le temps de faire du tourisme. Hors des pistes utilisées par les Civils toutes traces pouvaient être un indice pour l’occupant.

Complètement rééquipés, avec pantalons kakis, blousons de cuir “chantier de jeunesse”, bas blancs, “tarte” d’Alpins avec grenade rouge sur le devant ; nous avons une meilleure allure, mais il nous manque toujours l’armement.

PREMIER PARACHUTAGE – TERRAIN “TAILLE CRAYON”

La réception des premiers parachutages à VASSIEUX-EN-VERCORS est confiée au C12, sous la responsabilité de “PAYOT”. Etant annoncés comme très proches, un détachement précurseur de notre camp part volontairement pour VASSIEUX afin d’organiser et préparer les détails. Le terrain TAILLE de VASSIEUX situé à gauche du Col SAINT ALEXIS, aux CHAPOTIERS, a été choisi pour éviter la proximité de VASSIEUX-VILLAGE et ne pas compromettre les habitants.

“RIBOULDINGUE” et “FEND-LA-BISE” jouent aux électriciens, ils branchent une grosse lampe actionnée par un interrupteur directement sur le réseau. D’autres doivent préparer les feux et le cantonnement.

Au col chez “LA MEME”, “LA MAURICAUDE” est de garde auprès de notre poste de T. S. F. Il a pour mission l’écoute des messages personnels de LONDRES. Nous, nous ne sommes pas dans le secret des Dieux, nous ignorons celui qui doit annoncer le parachutage. Quand, le 10 Mars 1944, celui-ci passe, “LA MAURICAUDE” fonce au chalet BELLIER pour nous l’annoncer, et le reste du C12 rejoint à VASSIEUX l’élément précurseur. Trois feux ont été préparés en triangle isocèle, la pointe du triangle indiquant la direction du vent. Au centre de ce dispositif est installée la grosse lampe qui doit transmettre en code morse la lettre “R” (.-.), soit un coup bref, un coup long et à nouveau un coup bref. Cette tâche est confiée à “FEND-LA-BISE”. Le texte du message était : “Nous irons à MARRAKECH” et ” Tournerons la clef trois fois”. A cette période nous couchons dans la paille, partie chez JUILLET, partie chez GIROUX. Après réception du dernier message, nous sommes tous à nos postes. “LA TORNADE” a pour mission d’interdire avec son F.M. l’accès du terrain à tout étranger au C12.

En plus de leur fonction de pourvoyeurs “PARE-CHOC” et “CALVA” ont la responsabilité d’un des trois feux. Nous nous demandons ce que les gars qui ont été désignés pour préparer les feux, ont bien pu faire de tout leur temps, car il n’y a que du bois vert. Les avions devant être déjà en contact radio avec le sol, nous allumons le feu. Il nous faut sans cesse le rallumer avec de la paille. C’est une course éperdue entre le tas de paille et le feu éloignés de 30 mètres. A cause de ces paresseux nous risquons de “louper” le parachutage que nous attendons si ardemment, depuis si longtemps. Heureusement la lampe fonctionne bien. Avec la paille, le feu repart aussitôt, mais brûle trop vite à notre goût.

Les avions viennent d’Angleterre et sont très haut. Juste au moment où le troisième appareil se présente pour effectuer son largage, des coups de feu retentissent. C’est “LA TORNADE” qui, exécutant les ordres reçus, tire des coups de semonce sur des types qui approchent. Aussitôt, ceux-ci mordent la neige.

Un vent fort se lève alors, dispersant les feux que nous avons beaucoup de mal à maintenir. Les parachutes largués très haut, entraînent les containers qui s’égaillent dans tous les sens, quelques fois très loin. On nous avait dit que les Anglais faisaient des parachutages de précision. Ce n’est pas le cas. Nous apprendrons par la suite que c’étaient des aviateurs Américains. Pendant ce temps, les intrus essayent de se relever de leur inconfortable position dans la neige, mais “LA TORNADE” veille au grain et les rappelle à l’ordre.

“FEND-LA-BISE” nous appelle pour nous signaler que, prés de lui, un container s’est éventré, laissant s’échapper des fusils qui se sont dispersés dans la neige. En un rien de temps, nous avons chacun le nôtre. Heureusement que la neige a amorti leur chute. Quant aux munitions, nous nous en occuperons plus tard.

“PAYOT” envoie “LA MAURICAUDE” en éclaireur pour savoir quels sont les intrus ? Entre temps, “LA TORNADE” continue son intimidation et renvoie une rafale. “LA MAURICAUDE” craignant d’être pris sous le feu du F.M. crie son vrai nom LACASSAGNE pour se faire reconnaître de “LA TORNADE”. Croyant à un mot de passe, trouvant le temps long le nez dans la neige, les intrus reprennent en chœur : LACASSAGNE…LACASSAGNE….

“PAYOT” donne enfin l’ordre de les laisser approcher. Ce sont des types des Equipes Civiles (on dit de VALENCE, mais que ne dit-on pas ! il y a parmi eux des civils de la région). Ils arrivent et sortent de leur poche une bouteille de rhum qui est la bienvenue. Ils la font passer, ce n’est pas de refus. Ils sont vite entourés par les gars du C12, qui ont chacun une arme à la main. Le chef des intrus explique à “PAYOT” que, comme ils ont l’habitude des parachutages, que nous sommes des jeunes sans expérience, ils viennent nous donner un coup de main…

Une chose est certaine, ils sont très bien renseignés pour être arrivés le bon jour, à la bonne heure, et au bon endroit pour récupérer ce parachutage.

Ce qui est sûr, c’est que c’est un secret de polichinelle. Nous qui avions pour mission de protéger et ramasser le parachutage, à l’exception de “LA MAURICAUDE”, nous ignorions toutes ces précisions, ne connaissant ni le texte des messages personnels, ni le jour, ni l’heure du parachutage.

Ayant la responsabilité de la sécurité de l’opération et n’oubliant pas, comme nous tous, ce qu’ils ont fait à ARBOUNOUZE quatre mois plus tôt ; “PAYOT” leur donne l’ordre de partir sur un ton sec. Aussitôt, toutes les armes se braquent sur eux. Ignorant que la plupart d’entre-nous n’ont pas de munitions et que nos fusils ne sont même pas dégraissés, impressionnés, ils n’insistent pas et se retirent spontanément accompagnés par quelques gars du C12. Quelques jours plus tard, ils nous baptisent “Les Bandits de VASSIEUX”.

Dans la nuit, nous ouvrons les containers et trouvons des F.M. et des munitions. Le camp en entier est équipé de neuf en armement Anglais. Les armes sont nettoyées, les cartouchières en toile, distribuées. “LA TORNADE”, “SEPPI” et “LA TRINGLE” reçoivent chacun un beau F.M. tout neuf avec des chargeurs pleins. Des boites de cartouches sont en réserve dans nos sacs. La nuit sera courte.

Le 10 MARS 1944, les Maquisards du C12 ont fait de beaux rêves en voyant descendre dans la nuit le père Noël.

Des le petit jour, nous sommes debout. Impatients, nous ne pouvons résister plus longtemps. Sans préavis, nous faisons un exercice de tir, ce qui a pour résultat d’apeurer la population civile non prévenue.

La récupération du matériel commence aussitôt. Gros travail étant donné la dispersion des parachutes. En effet, ils sont tombés sur une neige glissante et le vent s’amuse à les emporter ; de plus, nos amis Américains n’ont pas voulu prendre d’autres risques que ceux du raid aérien et ils ont largué le matériel de beaucoup trop haut. Mais que peut-on leur reprocher ? à eux qui ont affronté des risques importants, en traversant les tirs de barrage de la FLAK ennemie, pour venir nous armer.

Nous ne voulons pas de pillage et nous faisons courir le bruit parmi la population, que les containers sont piégés, que nous seuls connaissons le secret pour les neutraliser.

Tout d’abord, nous détachons et roulons les parachutes à proximité pour éviter que le vent ne fasse glisser les containers sur la neige. Nous les évacuons rapidement pour parer à toute éventualité de repérage aérien.

Les containers sont de deux types : Les uns sont en plusieurs éléments portables à dos avec sangles incorporées ; les autres en une seule pièce que nous devons tirer sur la neige avec des cordes récupérées sur les parachutes. Les premiers sont lourds et font mal au dos. Dans ces éléments sont contenus tout ce qui est de petite dimension : munitions, grenades, gammons, plastic, pansements individuels Américains – dans de petites boites rouges, etc. etc. nous y trouvons aussi des pistolets à barillet SMITH & WESSON approvisionnés de 50 cartouches par arme. Cependant ils ne contiennent ni ravitaillement, ni cigarettes. Les seconds contiennent fusils, fusils-mitrailleurs, mitraillettes STEN. Ils sont tellement lourds et si difficiles à tirer que nous préférons les vider et tout porter à dos d’homme.

Ce matériel est transporté dans une grotte naturelle bien connue des habitants. Elle est en plein champ à quelques centaines de mètres de VASSIEUX-EN-VERCORS, à gauche de la route menant du Col SAINT-ALEXIS au village. Nous plaçons une grosse caisse au centre afin d’y installer ultérieurement la mise à feu pour une destruction éventuelle si elle venait à être découverte par l’ennemi. La charge sera donc placée au milieu des armes quand nous aurons récupéré dans le parachutage : plastic, détonateurs, mèche lente et le cordon détonnant.

Nous allons jeter les containers vides dans le gouffre SCIALLET de la CEPE qui se trouve prés de la ferme BEC. Ce dernier est entouré d’arbre et clos par un grillage. Nous envoyons nos boites vides par dessus bord et les écoutons cascader. Nous nous demandons quelle profondeur il peut bien avoir. Ce dont nous sommes absolument sûrs, c’est que les Boches ne viendront jamais les récupérer. Il nous aurait fallu de petites luges pour traîner tout ce bazar. Nous nous mettons à la recherche d’un traîneau à chevaux, que nous trouvons.

De peur de compromettre les paysans, “PAYOT” ne veut pas que nous empruntions un ou plusieurs chevaux aux agriculteurs. Aussi nous nous attelons à quatre, à skis, à l’aide de cordes de parachutes.

Nous n’en pouvons plus. Jamais à court d’idées, “FEND-LA-BISE” attache un parachute au traineau. Avec le vent, le traineau prenant de la vitesse, nous n’arrivons plus ni à le diriger, ni à le freiner, ni à l’arrêter. Après une belle culbute, il s’arrête tout seul. Devant cet échec, nous sommes contraints de revenir au portage à dos et nous traînons à deux, les containers longs, vidés de leur contenu, pour aller les jeter dans le gouffre.

Un container est tombé juste devant la porte d’entrée d’une fermette, bloquant celle-ci. Depuis plusieurs jours, les membres de la famille, y compris la grand-mère, sont obligés d’entrer et de sortir par la fenêtre en utilisant des chaises, une dedans et l’autre dehors ; ce qui n’est pas vraiment pratique surtout pour les anciens. Ils viennent à tour de rôle nous supplier d’enlever au plus vite notre “Satané engin de malheur”, ce que nous faisons aussitôt. Quand ils constatent que nous enlevons sans aucune précaution particulière les trois éléments de notre “Satané engin de malheur”, après ce que nous avions diffusé sur les fermetures piégées, nous comprenons leur réaction et ne leur demandons pas ce qu’ils en pensent.

Est-ce pour nous faire redoubler d’efforts ou la réalité ? “PAYOT” envoie “PARE-CHOCS” et “CALVA” patrouiller à skis dans la plaine des TROIS FRERES, pour rechercher des containers égarés. L’un d’eux serait frappé de la marque de la couronne d’Angleterre et serait plein de “pognon”. Après de nombreuses heures de recherches, ils retrouvent certes quelques containers, mais, hélas pas ce dernier. Ils craignent qu’avec un tel vent et la hauteur du largage, des containers n’aient franchi les crêtes et soient tombés dans le DIOIS.

Toujours à la recherche de containers, ils parcourent des distances considérables et ceci dans tous les sens. Ils tombent même un jour, sur une petite cabane en bois où une jeune femme, avec un mignon petit bébé, apeurée leur offre de petits gâteaux qu’elle vient de confectionner. Son mari est bûcheron. Elle leur jure qu’il n’a rien trouvé dans son secteur. Comme ce bûcheron est fumeur, ils lui laissent en partant quelques cigarettes.

Prés de la grotte aux armes et munitions, une garde permanente est montée. Elle doit tout faire sauter en cas de danger immédiat. Par la suite, les armes et munitions sont triées et mises par lots suivant des listes préétablies. Ces lots d’armes et de munitions sont ensuite transportés sur la route du Col où ils sont immédiatement enlevés et partent pour équiper les camps. L’un des premiers équipés sera le C11.

Les parachutes sont stockés dans une grotte chez JUILLET, au Col de SAINT-ALEXIS, avec trois F.M., sept fusils, des STENS et des munitions. Nous avons l’intention de les remonter par la suite au chalet BELLIER.

16 Mars 1944 – 2ème Parachutage

A SAINT-MARTIN-EN-VERCORS, le 16 Mars 1944, a eu lieu un autre parachutage d’armes, sur le terrain “COUPE-PAPIER” situé entre les hameaux DES COMBES et LE BRIAC. Il était à peu prés du même ordre de grandeur que celui que nous venons de recevoir à VASSIEUX.

Au petit jour du 18 Mars 1944, les Allemands attaquent en force à LA MATRASSIERE prés de SAINT-JULIEN-EN-VERCORS, le P.C. de l’Etat Major. Trois officiers sont tués : Le Capitaine GUIGOU, les Lieutenants OSWALD et PERRET.

Un Maquisard tombe après avoir abattu deux Allemands, un autre est brûlé vif dans une grange, un troisième est arrêté, martyrisé puis exécuté ainsi qu’un civil. Bien d’autres civils vont être fusillés à SAINT-MARTIN-EN-VERCORS et des maisons incendiées.

Le C12 est aussitôt mis en alerte. S’il n’y a presque plus de matériel sur le terrain, celui de la grotte n’est pas encore complètement évacué. Le soir, le matériel enlevé de toute urgence et la grotte entièrement débarrassée, l’alerte est levée et nous fêtons bien modestement la fin du parachutage chez GIROUX.

Nous avons touché chacun deux gammons et quelques grenades Américaines. Les gammons ressemblent un peu à la description qu’en a faite le Lieutenant HENRY à la BATIE-DE-GRESSE en Janvier 1944, par contre, nous n’avons pas touché “d’ARBALETES” pour les lancer.

Nous remontons à “BELLIER” avec, pour la première fois, notre propre armement et du matériel complémentaire.

Tous les jours ce sont, à nouveau, les corvées de ravitaillement à ROUSSET auxquelles vient se rajouter celle des armes à VASSIEUX, notamment celle de la grotte de Juillet au col St Alexis avec arrêt au relais “LA MEME” pour le café ou la relève de la garde.

Au retour d’un des derniers portages d’armes vers le chalet BELLIER, après la pause traditionnelle et rapide à “LA MEME”, presque arrivés, un vent violent, une mini-tornade soulevant une poussière de neige en des tourbillons aveuglants. “SEPPI” et “CALVA” chargés comme des mules (beaucoup trop lourdement pour des hommes), sont obligés de faire demi-tour dans la tempête, se perdent dans le ravin face à l’auberge de la “MEME” BORDAT, remontent la pente et, après avoir erré longtemps, trouvent enfin exténués le chalet de “LA MEME”. La visibilité est nulle, au point que la grosse lampe extérieure du Chalet n’est pas visible à deux mètres. Déchargés par les copains (car ils sont incapables de faire un mouvement) des quatorze mitraillettes STEN du F.M. et de ses chargeurs, du fusil et de ses cartouchières, ils doivent rester dehors, à l’abri du vent, plus d’une demi-heure, la réaction froid/chaud leur causant des malaises. Sachant la valeur du matériel qu’ils portaient, et songeant à l’état dans lequel ils l’auraient retrouvé à la fonte des neige, ils n’ont abandonné ni leurs skis, ni leurs sacs. Le soir, ils couchent à “l’ANNEXE ” où ils retrouvent “CUPIDON” et d’autres Maquisards.

DEUXIEME PARACHUTAGE SUR “TAILLE-CRAYON”

Quelques jours après, le C12 redescend à VASSIEUX pour recevoir un second parachutage sur le terrain “TAILLE-CRAYON”. La neige est épaisse et glacée. “CALVA” descend derrière les autres à vive allure, ses skis bien parallèles, lorsque, dans la descente droite et verglacée qui aboutit au tunnel, il ne peut éviter une “baignoire”, trou gelé qu’un skieur a creusé en tombant l’un des jours précédents et n’a pas rebouché. Il fait un vol plané et casse en deux l’un de ses beaux skis en “HICKORY”. N’écoutant que son bon cœur, la “MEME” BORDAT, pour le dépanner, lui donne les siens.

De vraies douves de tonneau, pénibles à traîner. Il n’y a pas de danger d’enfoncer dans la neige. Il est dépassé par les copains qui, goguenards le doublent en rigolant.

Cette fois-ci, le matériel est Français et vient d’ALGER. Il n’y a pas de vent, c’est l’idéal. Les aviateurs Français descendent bas et lâchent d’un seul coup, l’ensemble du parachutage. D’autre part, tels que sans rien, ils envoient de grands paniers d’osier plein de chaussures. Certaines ont été réparées et ont des pièces cousues. L’un de ces paniers tombe à un mètre de “FEND-LA-BISE” de service à la lampe faisant la lettre “R” en morse. Le matériel Français a pas mal servi. Nous recevons des pantalons et des pulls kakis, des armes Françaises déjà anciennes, de petits mortiers NEO-ZELANDAIS, quelques boites de conserves et en quantité très réduite, des cigarettes que nous conservons pour notre usage personnel. Ce deuxième parachutage auquel nous participons est beaucoup moins important que le premier. Nous entreposons, à nouveau, armes et munitions dans la grotte de VASSIEUX. Les aviateurs Français ont largué avec tant de précision que quarante huit heures plus tard, l’enlèvement est terminé et redistribué pour la plus grande partie, sans aucun incident.

Nous remontons sur le plateau de BEURRE avec comme armes supplémentaires les trois mortiers NEO-ZELANDAIS et leurs obus. Avant d’être avec nous “PAYOT” était au 2ème Régiment d’Artillerie de Grenoble décide d’essayer un mortier. Nous nous installons prés de la cabane en haut, côté plateau de BEURRE, face au tunnel et “LA MEME”. Des gars du Cil assistent à l’essai. “PAYOT” désigne l’objectif à mi-pente, à gauche de l’entrée du tunnel. En face de nous, aprés installation du mortier, il tire lui-même en direction du Col géographique. L’obus tombe pratiquement sur l’objectif, nous entendons une petite explosion et une légère fumée s’élève de la neige. Le deuxième obus fait de même. Décus, nous allons nous rendre compte sur place. Les deux obus n’ont fait qu’un trou insignifiant.

Ces obus ont malgré tout dérangé de jeunes skieurs civils, dont Roger ROUX qui sera plus tard “PEKIN” au C12. Ils ont la veille, construit un igloo à la sortie du tunnel. Entendant siffler les obus, ils détalent à toute vitesse et, font des chutes spectaculaires. Nous ne reverrons plus d’amateurs de descente, civils, par la suite.

Devant le peu d’efficacité de ces mortiers NEO-ZELANDAIS, et le poids du tube et de ses obus “PAYOT” décide de les abandonner. Il rêvait de nous former à leur emploi pour devenir une section d’un nouveau 2ème d’Artillerie. Le rêve s’envole… Les mortiers iront grossir le stock d’armes de réserve qui sont déposées dans les grottes et caches que “PAYOT” a découvertes. Par sécurité, peu d’initiés du C12 connaissent leur emplacement. Nous, nous savons que ce stock est assez important pour l’avoir trimbalé de VASSIEUX à BELLIER.

Ayant reçu beaucoup de munitions, nous avons la possibilité d’effectuer de fréquents exercices à tir réel sur cibles, tant au fusil qu’au F.M. ou au SMITH & WESTON, devant le chalet BELLIER. En plus des titulaires, tous les gars du C12 tirent correctement au F.M.

La neige a fondu dans le parc à moutons devant le chalet. C’est un véritable bourbier. Pour corser les exercices, “PAYOT” a imaginé un nouveau jeu. Il a fait démonter trois F.M. en pièces détachées, balles en vrac. Les pièces de chaque F.M. sont déposées respectivement sur trois couvertures devant les cibles. L’enjeu : un paquet de cigarettes à l’équipe de deux qui aura tiré le plus vite et bien ses deux chargeurs. Nous n’avons qu’un chiffon minuscule posé sur le lot de pièces détachées. Quand les équipes sont en place, d’un coup sec, il tire les couvertures et les pièces disparaissent dans le mélange pourri de fumier de moutons. L’équipe “PARE-CHOCS”/”CALVA” n’hésite pas. “PARE-CHOCS” enlève sa chemise et s’en sert comme chiffon pour le nettoyage des pièces. “CALVA”, lui, se charge du remontage du F.M. et l’équipe arrive nettement en tête. Ils seront bons pour laver et repasser leur vêtements la cigarette au bec. “PAYOT” jubile tant les gars mettent de l’ardeur pour vaincre et gagner. Il note tous les temps passés.

9 Avril 1944 – Dimanche de Pâques

Pour la deuxième fois à BELLIER, nous avons une demi-bouteille de Clairette de DIE par “tête de pipe”. Les bouteilles vides sont toutes redescendues, elles sont récupérées par les vignerons pour la prochaine récolte. Les marchandises, paquets, matériels qui arrivent du DIOIS sont acheminés et montés par le personnel du garage BRUNEL de DIE au col du Rousset où nous allons les chercher. De là, à pied, nous les montons à Bellier.

10 Avril 1944 – Lundi de Pâques

“HARDY” arrive avec l’Abbé GROUES qui deviendra universellement connu et célèbre sous le nom de l’Abbé PIERRE. L’Abbé Pierre GROUES est maquisard du VERCORS. Il vient célébrer la messe au chalet BELLIER. Jusqu’au soir, ils restent avec nous en compagnie du “PEPE” et de la “MEME” BORDAT, qui eux, sont des habitués et viennent de temps à autre manger avec nous. Du reste, ils sont considérés comme faisant partie de la famille.

Dans la soirée, nos invités redescendent avec “HARDY” vers le col.

11 Avril 1944

Le pied de “SEPPI” est en très mauvais état; il a enflé beaucoup à la suite d’une ampoule non soignée. Théoriquement, nous avons un infirmier, c’est

“LA MAURICAUDE”, mais, l’état de “SEPPI” empire et nécessite des soins plus importants. “PARE-CHOCS” et “CALVA” se chargent de le descendre avec la luge jusqu’au Col au refuge VITTOZ où une voiture viendra le chercher pour l’évacuer à l’hôpital de DIE. Ils le descendent à skis, le traînant sur la luge du chalet. Par la suite, “SEPPI” ira chez des civils tout dévoués à notre cause. Durant l’absence de “SEPPI”, son F.M. est confié à “MIMILE”

Pour faire plaisir à “PEPE” BORDAT, “PAYOT” lui a donné un fusil. Il monte la garde de temps à autre et la “MEME” lui tient compagnie le fusil à la main; ils sont surprenants et combien courageux. Nous sommes amusés et attendris par leur attitude. Pourvu que “PEPE” ne fasse pas de blagues lorsque “SON CONSCRIT” viendra à passer par là et qu’ils arroseront tous deux leurs retrouvailles, selon leur habitude !!

Le 13 Avril 1944 SOS…SOS…Maquis du Vercors

La BBC répète sans arrêt cet avertissement qui nous est destiné SOS…SOS… au Maquis du VERCORS….Radio LONDRES nous prévient que les Miliciens doivent nous attaquer sous trois jours. Tous les camps reçoivent l’ordre de décrocher et de se disperser. Pour nous, le C12 et particulièrement pour “PAYOT”, il n’est pas question car nous avons encore trop de matériel et d’armes non planqués dans les caches. Nous écoutons à la TSF l’éditorial de Philippe HENRIOT. Celui ci ironise : Oui ! les Maquisards du Col du ROUSSET ne veulent pas se replier car ils ont encore des armes à cacher etc….etc….Surpris et furieux, nous rageons car c’est d’ailleurs vrai ce qu’il raconte. Mais qui, diable, peut donc le renseigner avec une telle précision ?

Depuis que nous sommes en alerte, “PAYOT” constitue une réserve de vivres qui vient s’ajouter à notre stock d’armes. Du dernier parachutage, il a fait mettre de côté des conserves. Des derniers ravitaillements du DIOIS, il fait de même avec du pain, des biscuits en boite et un peu de sucre etc…etc.. Protégés par des panchos en caoutchouc, les pains sont installés dans un grand sapin touffu prés des “OURS”. Le reste des vivres est dissimulé dans les grottes qui nous servent de caches.

14 Avril 1944 – Permissions

Lors du premier parachutage, “PAYOT” avait promis à “LA TORNADE” d’octroyer une permission aux plus méritants. Malgré les risques évidents d’une attaque surprise des Miliciens, n’ayant qu’une parole et ne voulant pas revenir sur celle-ci, il autorise “LA TORNADE”, “PARE-CHOCS”, “CALVA” et deux ou trois autres à chausser les skis destination MONESTIER-DE-CLERMONT où, d’après “LA TORNADE”, se tient la fête annuelle (“La vogue”). La neige fond un peu partout au soleil du printemps. A un moment, dans la descente de LA SELLE, tellement difficile à monter à skis en février, la neige a disparu laissant place à une grande partie d’herbe sèche et de terre. Faisant un grand saut, nous réussissons tous à atterrir avec beaucoup de chance sur une autre partie enneigée. Nous l’avons échappé belle. A partir de cet instant, nous redoublons de prudence et de vigilance !!! Repassant â notre ancien camp de la BATIE-DE-GRESSE, inoccupé depuis notre départ, nous remontons au village. Au passage, “LA TORNADE” nous fait admirer notre mule “LA TERREUR” qui a été confiée à un agriculteur au moment de notre départ pour le VERCORS. Elle est méconnaissable tellement elle est rebondie et luisante de santé. Il faut dire qu’elle a bien mérité ce nouveau régime beaucoup plus confortable. Le pauvre animal n’a pas eu la vie facile avec les Maquisards.

C’est en continuant notre chemin vers MONESTIER-DE-CLERMONT que le remord nous prend soudain : Pourquoi sommes nous nous partis ? Il y a beaucoup d’arguments qui auraient dû nous inciter à une conduite plus raisonnable. Tout d’abord, nous risquons de causer des ennuis sérieux aux civils si nous venons à être repérés, d’autre part, nous n’avons que très peu de “Kopeck” en poche à dépenser, nous n’apporterons donc pas beaucoup d’intérêt au commerce local; mais surtout surtout…, ce qui est primordial, c’est que, si les copains sont attaqués pendant notre absence, nous ne serons pas là pour leur donner un “coup de main”. Décidemment, il est bien temps d’y penser !!! Toutes ces interrogations nous tracassent tellement que nous décidons de faire demi-tour.

Forts d’avoir reconnu la route à l’aller et d’avoir enregistré des point de repères et jalons visuels, nous faisons le “forcing” pour rentrer au camp. Comme nous n’avons pas de “barda”, nous nous sentons légers, rien ne nous entrave. Nos skis bien parallèles, nous fonçons, nous relayant sans arrêt. Si une personne est étonnée, c’est bien “PAYOT” qui ne comprenait pas pourquoi nous sommes revenus aussi rapidement. Il est étonnant de constater combien le camp est devenu pour nous : LA MAISON. Nous sommes heureux d’être de retour au Bellier. Et c’est avec satisfaction que nous constatons que rien ne s’est passé durant notre courte absence.